Si j’en suis à citer Télérama, ce n’est pas parce que je suis en fin de vie littéraire mais parce que j’en rejoins exactement la formulation : ce roman est stupéfiant.

Ce qui m’a interpellé dans cette lecture, c’est un énorme dilemme entre l’envie de fermer le bouquin tellement c’est sans intérêt, et cette envie d’aller jusqu’à la fin pour savoir comment ça va se finir.

Parlons du thème. Considérons l’hypothèse d’une Mother Company qui contrôlerait la CIA, le gouvernement américain et l’OLP, par exemple (on est en 1979, il est utile de rappeler à mes plus jeunes lecteurs que l’OLP est l’Organisation de Libération de la Palestine). La Mother Company aurait à en découdre avec un type non-japonais, non-né au japon, cultivé à base de Go Ban (plateau du jeu de Go) et éduqué au Shibumi, l’art extrême de la pensée minimaliste (ou un truc comme ça). Hel, c’est son nom.

Bon, puisque je ne vous ai pas convaincus, je rappelle qu’on est en 1979 et que la Mother Company est aidée de Fat Boy, un ordinateur à l’échelle mondiale qui, à date de lecture, m’a laissé légèrement amusé… Tout en reconnaissant à l’auteur une faculté d’anticipation intéressante, puisqu’à l’époque en réalité on faisait encore des trous dans des « cartes perforées » 😁.

Au-delà de cette performance d’être encore crédible en termes de technologies numériques quarante ans après sa rédaction, le bouquin est une énorme mine à descriptions qui ne servent à rien. Un nid de digressions, qui m’ont à nombreuses reprises amené à passer les pages cinq par cinq, pour tenter de retrouver un semblant de scénario. J’ai ainsi échappé à l’enfance et à l’adolescence de Hel, à l’histoire complète de Le Cagot (personnage basque du roman), aux descriptions toutes en longueurs de paysages, d’états d’esprit, de pensées qui n’appartiennent qu’à l’auteur et que je lui restitue bien volontiers… Hautement chiant, en d’autres termes.

De toute façon, dans ce bouquin il y a tous les ingrédients pour que quiconque se sente accroché : de la politique, des femmes et du cul (sophistiqué bien sûr), des armes, des gens simples et des gens hautement sophistiqués, des paysages et des descriptions, des amis et des faux-ennemis, des décès et beaucoup de pensées philosophiques, voire pas mal de blabla pseudo-psychologique et même un peu de suggestions de développement personnel.

Rien qu’à relire l’ampleur de l’ambiguïté de mon commentaire, ce bouquin mériterait d’être dans mes coups de coeur…

Traduit de l’américain par Anne Damour